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Conseil d'Etat  4 mars 2020 / Salarié, Enquête, Détournements de fonds, Proportionnalité /

Le 09 mai 2020

" (...)  Il ressort des constatations de fait, non arguées de dénaturation, effectuées par la cour administrative d'appel de Nancy dans l'arrêt attaqué que la Fédération Crédit mutuel centre est Europe a diligenté une enquête interne visant M. B..., sans en informer ce dernier, après qu'un client eut signalé au Crédit mutuel avoir fait l'objet, à l'occasion d'un différend d'ordre privé, de menaces de la part de M. B..., fondées sur de prétendus mouvements suspects sur ses comptes bancaires. Les investigations réalisées par le service chargé du contrôle dans le cadre de cette enquête interne ont porté non seulement sur le point de savoir si M. B... avait consulté les comptes bancaires du client à l'origine du signalement, mais également sur les comptes personnels détenus par le salarié au sein de la banque et sur ceux du syndicat dont il était trésorier. Il est résulté de ces dernières investigations que M. B... avait commis des détournements de fonds au détriment du syndicat. (...) 

. Lorsqu'un employeur diligente une enquête interne visant un salarié à propos de faits, venus à sa connaissance, mettant en cause ce salarié, les investigations menées dans ce cadre doivent être justifiées et proportionnées par rapport aux faits qui sont à l'origine de l'enquête et ne sauraient porter d'atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie privée.

5. En premier lieu, la cour administrative d'appel de Nancy, qui n'était pas tenue de répondre à l'ensemble des arguments en défense invoqués devant elle, a suffisamment motivé son arrêt quant au champ des investigations conduites et à leur justification au regard des fonctions exercées par M. B....

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'employeur de M. B... a procédé, sans l'en informer, à la consultation des comptes bancaires personnels de ce salarié, auquel il n'a pu avoir accès qu'à raison de sa qualité de fédération d'établissements bancaires, alors que cette consultation n'était pas nécessaire pour établir la matérialité des allégations qui avaient été portées à sa connaissance par un tiers. En l'espèce, le trouble causé par le salarié rendant impossible son maintien dans l'entreprise, invoqué par l'employeur dans sa demande d'autorisation de licenciement, ne résultant que des éléments ainsi obtenus, la cour administrative d'appel n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la Fédération Crédit mutuel centre est Europe avait porté une atteinte excessive au respect de la vie privée de M. B..., dans des conditions insusceptibles d'être justifiées par les intérêts qu'elle poursuivait. La cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni méconnaître l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le ministre du travail n'avait pu légalement, pour annuler la décision de l'inspectrice du travail, se fonder sur le motif tiré de ce que le détournement de fonds commis par le salarié constituait un trouble manifeste dans le fonctionnement de l'entreprise.

7. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la Fédération du Crédit mutuel centre est Europe doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B... au titre de ces mêmes dispositions. (...) "

CONSEIL D'ETAT 

 4 mars 2020, n°418640

SOURCE : CONSEIL D'ETAT