Cour de Cassation 10 juin 2020 / Franchise, Devoirs de conseils, Compte d'exploitation prévisionnel /
" (...) 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 mai 2018), M. A... et Mme P... ont créé la société Couleurs et chocolats et conclu, tant en leur nom personnel qu'en celui de cette société, alors en formation, un contrat de franchise avec la société C..., qui développe un réseau de magasins de vente de chocolats au détail, par le truchement de succursales et de franchisés. (...)
près avoir énoncé que, lorsque le franchiseur, qui n'est pas légalement tenu de le faire, remet au franchisé un compte d'exploitation prévisionnel, ce document doit être sincère et vérifiable, l'arrêt retient que les comptes provisionnels, élaborés sur la base de données erronées et non significatives communiquées par la société C... sans qu'elle en ait vérifié la cohérence, se sont révélés exagérément optimistes et que l'écart entre ces prévisions et les chiffres réalisés a dépassé la marge d'erreur inhérente à toute donnée prévisionnelle, sans que les mauvais chiffres constatés puissent être imputés au franchisé.
7. Ayant souverainement déduit de ces énonciations, constatations et appréciations que ces prévisions avaient provoqué, dans l'esprit des cocontractants, novices dans le secteur économique concerné, une erreur sur la rentabilité de leur activité, portant sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante, et que c'est en raison de cette erreur déterminante que le franchisé avait été conduit à conclure le contrat litigieux, la cour d'appel n'était pas tenue d'analyser la portée des stipulations de ce contrat, selon lesquelles le franchisé déclarait, d'une part, avoir conscience de ce que les données communiquées ne permettaient d'élaborer que des hypothèses chiffrées sans garantie de résultat et, d'autre part, qu'un décalage, même important, entre ses réalisations effectives et les estimations prévisionnelles ne pourrait constituer un motif de remise en cause de son engagement contractuel.
8. L'arrêt retient ensuite que le franchiseur, tenu d'assister le franchisé dans la recherche et la négociation d'un local, en application de l'article 4.5.2 du contrat de franchise, a validé l'emplacement choisi par le franchisé et négocié les conditions du bail, qui s'est avéré inadapté en raison d'une superficie trop vaste et d'un loyer excessif, rendant l'affaire du franchisé non viable.
9. L'arrêt en déduit que ces éléments, s'ils n'induisent pas en soi un vice de consentement du franchisé, non seulement démontrent les manquements du franchiseur à ses obligations de conseil mais, en outre, renforcent la portée des informations erronées sur les prévisionnels et les conséquences de l'absence d'état du marché local puisque le coût du bail représente une donnée essentielle en considération de laquelle le franchisé a élaboré son projet d'installation.
10. En cet état, la cour d'appel a pu retenir que l'inadaptation de l'emplacement, la trop grande superficie des locaux et le caractère excessif du loyer, trop élevé pour garantir aux franchisés un taux de rentabilité minimale, ont été également déterminants pour le consentement du franchisé et portaient sur la substance même du contrat de franchise, pour lequel l'espérance de gain est déterminante. (...) "
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du mercredi 10 juin 2020
N° de pourvoi: 18-21536