Cour de Cassation 17 septembre 2020 / Huissier, Lieu servant à l'habitation, Autorisation du juge, Conclusions d'appel /
" (...) Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 septembre 2018), la société T. Imar Bankasi T.A.S.(la banque) ayant fait faillite, la société Müflis T. Imar bankasi T.A.S Iflas idaresi (le liquidateur), a engagé des procédures judiciaires à l'encontre de ses dirigeants, dont M. N.... Ce dernier ayant été condamné par des jugements du tribunal de première d'instance d'Istanbul à payer une certaine somme à la banque, le liquidateur de la banque a fait procéder à plusieurs saisies conservatoires de créances et de droits d'associé et valeurs mobilières, ainsi qu'à une saisie conservatoire de meubles corporels pratiquée au domicile de M. N.... Ce dernier a saisi un juge de l'exécution à fin de contester ces mesures. (...) . Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. (En gras souligné par nous. Cinglant)
5. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d' appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
6. Ayant constaté que dans le dispositif de ses conclusions, signifiées le 13 mars 2018, l'appelant ne demandait pas l'infirmation du jugement attaqué mais l'annulation des saisies, leur mainlevée ou leur cantonnement, la cour d'appel ne pouvait que confirmer ce jugement.
7. Toutefois, la déclaration d'appel étant antérieure au présent arrêt, il n'y a pas lieu d'appliquer la règle énoncée au paragraphe 4 au présent litige.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié. (...) Selon l'article L. 142-3 du code des procédures civiles d'exécution, à l'expiration d'un délai de huit jours à compter d'un commandement de payer signifié par un huissier de justice et resté sans effet, celui-ci peut, sur justification du titre exécutoire, pénétrer dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant, faire procéder à l'ouverture des portes et des meubles.
12. Toutefois, s'il résulte de l'article L. 521-1 du même code, selon lequel la saisie conservatoire peut porter sur tous les biens meubles, corporels ou incorporels appartenant au débiteur, que le créancier peut faire procéder à la saisie conservatoire des biens de son débiteur situés dans un lieu servant à l'habitation et, le cas échéant procéder à cet effet à l'ouverture des portes et des meubles, le droit, à valeur constitutionnelle, au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile, également consacré par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, exclut qu'une telle mesure puisse être pratiquée sans une autorisation donnée par un juge.
13. Une mesure conservatoire ne peut, par conséquent, être pratiquée dans un lieu affecté à l'habitation du débiteur par le créancier sans que le juge de l'exécution l' y ait autorisé en application de l'article R. 121-24 du code des procédures civiles d'exécution, et ce même dans l'hypothèse prévue à l'article L. 511-2 du même code dans laquelle le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire. A défaut, la mesure doit être annulée.
14. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, l'arrêt, qui a constaté que l'huissier de justice n'était pas muni de l'autorisation d'un juge pour pénétrer dans le lieu servant à l'habitation de M. N..., se trouve légalement justifié. (...) "
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 17 septembre 2020, 18-23.626
- août 2025
- octobre 2024
- septembre 2024
- avril 2024
- février 2024