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Cour de Cassation 24 mars 2020 / AMIANTE, Parties civiles, Indivisibilité /

Le 14 mai 2020

" (...)  Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. A... Y..., après avoir travaillé à partir de l'année 1973 pour la société Sollac, devenue le groupe Arcelor, dans son usine située à Grande-Synthe (59), s'est révélé être atteint d'un mésothéliome malin, dont le caractère professionnel, du fait de son lien avec l'amiante, a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie.

3. L'intéressé a déposé plainte le 20 février 2005 auprès du procureur de la République de Dunkerque, lequel s'est dessaisi au profit du pôle de santé publique du parquet de Paris le 17 mai 2005.

4. Le ministère public a établi le 12 décembre 2005 un réquisitoire introductif visant la plainte de A... Y... et mentionnant les qualifications de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité, non empêchement d'un crime ou d'un délit contre l'intégrité corporelle, abstention volontaire de combattre un sinistre, non assistance à personne en péril.

5. Après le décès de A... Y..., des suites de sa maladie, le ministère public a, le 4 octobre 2006, requis supplétivement le juge d'instruction d'informer du chef d'homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

6. Le ministère public a encore requis, les 29 septembre 2009 et 2 décembre 2010, le juge d'instruction de recevoir la constitution de partie civile incidente des ayants droit respectifs d' D... Q... et E... K..., décédés tous deux dans des circonstances analogues à celles de A... Y....

7. De nombreuses victimes s'étant ensuite manifestées auprès du juge d'instruction, l'invitant à étendre ses investigations à leur situation, le ministère public a délivré un réquisitoire supplétif, en date du 3 novembre 2015, précisant expressément « qu'il soit supplétivement instruit sur les faits d'homicides involontaires par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement sur les personnes d' D... Q... et E... K..., faits commis entre le 17 août 1977 et la fin de leur exposition à l'amiante sur leur lieu de travail », puis des réquisitions en date du 6 novembre 2015 invitant le juge d'instruction à « continuer à informer sur les faits concernant A... Y..., D... Q... et E... K... ».

Vu les articles 2, 3 et 87 du code de procédure pénale :

12. La constitution de partie civile incidente devant la juridiction d'instruction, telle que prévue par le dernier de ces textes, n'est recevable qu'à raison des seuls faits pour lesquels l'information est ouverte, ou de faits indivisibles. (...) 17. En se déterminant ainsi, alors que la constitution de partie civile des cent soixante et un plaignants était fondée sur des faits qui ne peuvent être regardés que comme distincts de ceux dont le juge d'instruction était saisi par les réquisitoires introductif et supplétifs du ministère public, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. (...)

19. En second lieu, la date d'intoxication par l'amiante de chaque travailleur n'est pas connue, ce qui, compte tenu de la succession de nombreux employeurs sur la longue période concernée, ne permet pas d'inférer une identité d'objet et de résultat de faits procédant d'une même et unique action coupable. Il en résulte que le caractère indivisible des faits n'est pas établi.

20. Il s'ensuit que la cassation est encourue. N'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire."

Cour de Cassation

F-P+B+I

Chambre criminelle

Audience publique du mardi 24 mars 2020

N° de pourvoi: 19-80005

SOURCE : LEGIFRANCE